Parution : Archives de sciences sociales des religions, Varia, n°209, Éditions de l’EHESS, 2025
Ce numéro varia éclaire les usages du religieux comme catégorie, principe de régulation et institution.
C. Clémentin-Ojha montre comment la traduction de secular dans la Constitution indienne révèle les tensions entre droit, État et définition de la catégorie « religion » dans l’hindouisme. Dans son analyse de la judiciarisation du blasphème au Pakistan, P. Rollier souligne que catégoriser un acte comme contraire à la religion ne relève pas seulement de modes de croire, mais aussi de logiques issues d’une histoire juridique et coloniale.
L. Seurat et J. Safar éclairent ensuite les enjeux de régulation du religieux, à travers le cas du marché du hajj en France, où contrôle des mobilités et fabrication d’un « islam de France » s’entrecroisent. C. Vincent-Cassy retrace l’essor du culte de l’archange Raphaël sous Charles II, instrument de protection et de légitimation dynastique.
E. C. Calabrese aborde le Hezbollah comme une institution à la fois religieuse, politique et militaire. À l’inverse, M. Colin montre que les membres du Temple Satanique se réapproprient la figure de Satan comme symbole d’émancipation envers la contrainte institutionnelle.
Enfin, M. S. Chaidron s’intéresse à la récupération catholique de Claude Bernard, posant la question – centrale pour les sciences sociales des religions – des frontières entre science et religion.
Le religieux comme catégorie ; enjeux de régulation ; engagements religieux et institutions
Ce volume de varia explore une grande diversité d’objets, de périodes et d’aires géographiques, de l’Asie du Sud à la monarchie hispanique du XVIIe siècle, en passant par le Hezbollah libanais et le physiologiste français Claude Bernard. Au-delà de cette variété, il éclaire une série de questionnements fondamentaux autour du religieux.
La religion y apparaît d’abord comme une catégorie dont la définition et les usages permettent d’interroger les règles d’organisation de la vie sociale, ainsi que les frontières morales ou politiques. Catherine Clémentin-Ohja analyse les enjeux de la formulation en hindi, dans la Constitution indienne, du terme anglais secular, une question qui ravive inévitablement les débats autour de la catégorie de religion dans l’hindouisme. L’article de Paul Rollier, consacré à la judiciarisation du blasphème au Pakistan, souligne que la qualification d’un acte comme contraire, voire hostile, à la religion ne relève pas uniquement du registre du croire ou du dogme, mais aussi de logiques sociopolitiques inscrites dans l’histoire coloniale.
Cette réflexion conduit à un deuxième questionnement : la manière dont la catégorisation religieuse s’articule avec les dynamiques de régulation et le rôle des institutions politiques dans le façonnage des pratiques et des conceptions du religieux. Leila Seurat et Jihan Safar examinent ainsi les modalités d’intervention de l’État français dans la régulation de l’économie du hajj, le pèlerinage de la Mecque, afin de favoriser l’émergence d’un « islam de France ». De son côté, Cécile Vincent-Cassy revient sur l’essor du culte de l’archange Raphaël sous le règne de Charles II d’Espagne, où il devient une figure de protection de la communauté.
La religion est aussi affaire d’institution, une troisième dimension éclairée par deux contributions. En mobilisant notamment des travaux de Jacques Lagroye, Erminia Chiara Calabrase analyse les ressorts de l’appartenance au Hezbollah libanais, appréhendé comme une institution à la fois politique, religieuse et militaire. À l’inverse, l’article de Mathieu Colin montre comment les membres du Temple Satanique se réapproprient la figure de Satan pour en faire un symbole de liberté et d’émancipation, en marge des institutions religieuses traditionnelles et en opposition à la contrainte institutionnelle.
Enfin, Meggy S. Chaidron interroge les relations entre science et religion, à travers la récupération catholique des théories scientifiques du physiologiste Claude Bernard. Le volume se clôt ainsi sur une question centrale pour les sciences sociales des religions : le rapport entre régimes de vérité scientifique et religieux.
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Chargé de diffusion scientifique (21 mai 2025). Parution : Archives de sciences sociales des religions, Varia, n°209, Éditions de l’EHESS, 2025. IISMM. Consulté le 19 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13zd8